Alcool, tabac, drogue… comment devient-on dépendant ?

Tout le monde ne devient pas “accro” aux paradis artificiels. Des recherches récentes permettent de mieux comprendre cet engrenage. En fait, c’est l’histoire d’une mauvaise rencontre. Le Dr Claude Olievenstein, célèbre auteur de « Il n’y a pas de drogués heureux »,  qui parlait de la rencontre entre un individu, un produit et un contexte socioculturel. Cette remarque, qui date des années 1960, est toujours valable aujourd’hui.

Certaines personnes, fragiles, sont plus sensibles que d’autres à l’attrait des “paradis artificiels’ Tout dépend de leur histoire personnelle, de leurs blessures et des traumatismes qu’elles ont vécus.

« Nous ne sommes pas égaux face au risque de dépendance », confirme le Dr Main Morel, psychiatre spécialisé en addictologie.

L’âge est indéniablement un facteur de risque. L’adolescent perturbé n’a pas les mêmes armes pour résister à la tentation qu’un adulte bien dans sa peau. A l’autre extrême de la vie, un sexagénaire, tenaillé par la peur de vieillir, sera plus vulnérable face à l’alcool.

Le patrimoine génétique a également son importance, marquant une certaine prédisposition à devenir dépendant.

Mais il n’est pas le plus déterminant. Il faut généralement qu’à cette fragilité génétique et psychologique s’ajoutent des difficultés familiales, professionnelles, des conditions socio-économiques particulières… A partir de là, certains individus, confrontés à une pression trop forte, iront chercher refuge dans la drogue.

Un processus plus ou moins rapide

Pourquoi le vin plutôt que la cigarette, l’héroïne plutôt que la cocaïne ? Tout dépend de l’effet recherché : apaisement, dopage, « défoncé »… Certaines personnes recherchent une forme de sédation, d’autres veulent se stimuler, d’autres encore préfèrent « se sentir partir »….

On ne devient pas “accro” dès la première fois. Mais une consommation de drogue régulière enclenche un processus plus ou moins rapide selon la substance.

Le tabac, l’héroïne et la cocaïne (surtout sous forme de crack) sont, de ce point de vue, les plus dangereux. Très rapidement, on ne peut plus s’en passer. L’alcool a une action plus lente dans l’organisme mais, au final, tout aussi redoutable. Quant au cannabis, dont la consommation a augmenté de manière inquiétante chez les jeunes, il n’engendre pas de réelle dépendance au sens physique du terme. La vraie priorité pour aider les consommateurs abusifs de “joints”, c’est d’agir sur le contexte : sortir l’adolescent de sa bulle dépressive, le réconcilier avec lui-même, avec ses parents et le monde adulte en général…

Ce qui se passe dans e cerveau

Tabac, alcool, héroïne, cocaïne, ecstasy… toutes ces substances, dites psychoactives, agissent sur le système nerveux et le modifient progressivement. En stimulant certains neurones dans le cerveau, elles entraînent la libération de neurotransmetteurs, en particulier la dopamine, considérée comme le messager du plaisir et de : la satisfaction. C’est ce qu’on appelle le “circuit de la récompense’ Des travaux récents ont montré que d’autres neuro transmetteurs, comme la sérotonine (une sorte d’antidépresseur naturel du cerveau) et la noradrénaline, étaient également libérés.

Dans le fonctionnement normal du cerveau, les circuits de la dopamine, de la sérotonine et de la noradrénaline sont couplés, comme dans un engrenage. Or, les drogues ont la faculté de dissocier ce mécanisme. La façon dont le toxicomane perçoit le monde qui l’entoure s’en trouve complètement modifiée.

Dès qu’il n’a plus de produit, l’individu devient hyper-réactif à l’environnement, il est débordé par ses émotions. La seule façon pour lui de rendre la situation supportable, c’est de reprendre du produit…

À partir de là, tout s’emballe. Il faudra alors multiplier les doses pour obtenir les mêmes effets.

Pourquoi est-il si difficile de décrocher ?

En jouant sur les circuits neuronaux, les drogues laissent une empreinte profonde. Petit à petit, le cerveau s’adapte et garde en mémoire ces modifications. Ensuite, il est très difficile de les effacer…

C’est pourquoi un ex-alcoolique replongera au premier verre, même après dix ans d’abstinence.

Le sevrage représente, certes, un pas important. Mais il ne suffit pas à se libérer de la dépendance. Le problème n’est pas tellement le sevrage, mais ce que la personne devient après !

Rappelons que les drogues modifient aussi le vécu de la personne et son rapport au monde extérieur, jusqu’à sa propre identité : « On se sent quelqu’un grâce au produit ».

Pour apprendre à vivre sans cette “béquille”, il va falloir reprendre le contrôle de ses émotions. C’est un long travail de reconstruction qui commence.

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