Ecstasy et dérivés : des délires à haut risque

Produits à la mode chez les jeunes, les drogues de synthèse type ecstasy et MDMA atteignent les facultés physiques et mentales.

Au rang des drogues illicites dont la consommation inquiète les pouvoirs publics, les nouvelles drogues de synthèse arrivent à une place significative. En 2018, plus de 1,1 million de doses d’ecstasy ou analogues ont été saisies par les services de police et de douanes sur le territoire français. Un chiffre en hausse par rapport à 2017.

« Tous ces produits ne sont pas destinés aux consommateurs français. Nous les interceptons lorsqu’ils sont en transit avant qu’ils n’arrivent à destination, à savoir en Grande-Bretagne, en Italie ou en Espagne », explique l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS).

Il n’empêche, selon une récente étude publiée par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), la consommation d’ecstasy et de drogues de synthèse est en constante augmentation, en particulier chez les jeunes.

Des produits détournés

Ainsi, 5 % des appelés interrogés en 2016 dans les centres de sélection du service national ont reconnu avoir déjà pris de l’ecstasy. De même que 3 % des lycéens parisiens, alors qu’ils n’étaient que 0,1 % en 2011… un constat qui serait très en dessous de la réalité. Certains spécialistes évaluent à 1 million le nombre de personnes qui auraient consommé au moins une fois de l’ecstasy ou des drogues de synthèse en France.

« Parler de nouvelles drogues lorsque l’on évoque l’ecstasy ou les autres drogues chimiques est impropre. Il est en fait question de nouvelles utilisations de produits qui existent depuis long- temps », rappelle le Dr Michel Guenat. « Aujourd’hui, nous nous retrouvons en face d’un détournement d’usage de produits issus de la recherche pharmacologique. »

Dérivé de l’amphétamine, ce que l’on appelle « ecstasy » est une molécule baptisée MDMA qui a été synthétisée en 1914 pour être utilisée comme coupe-faim.

Face à ses effets « inattendus » provoqués sur les premiers consommateurs, le développement de ce produit comme médicament a finalement été arrêté.

Utilisé par la suite comme psychostimulant à des fins thérapeutiques aux Etats-Unis, l’ecstasy voit alors son usage détourné au début des années 80 pour être consommé de manière récréative dans les milieux « branchés » qui se retrouvent dans les soirées « rave » (« délire » en anglais). Les effets recherchés ? La performance physique (danser des heures sur de la musique techno), l’euphorie, et aussi la sensation de bien-être et d’empathie facilitant les relations…

Reste que l’ecstasy (produit illicite en France et dans le reste du monde) ne se limite pas à ces seuls effets. À plus ou moins long terme, cette drogue peut entraîner des troubles de nature psychiatrique (psychose, dépression…), des complications somatiques, des perturbations de la mémoire, voire la destruction irréversible de certains neurones ! Plusieurs décès liés en partie à la consommation de produits de synthèse ont d’ailleurs été signalés.

Un risque à chaque fois

« L’ecstasy, en raison des propriétés pharmacologiques de la molécule MDMA, est toxique indépendamment de tout abus », confirme l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Une dose peut suffire pour détruire une vie. Ce n’est pas systématique dès la première absorption, mais le risque est présent à chaque prise, même si les précédentes ont été bien tolérées par l’organisme.

Habituée à intervenir dans toute la France auprès des collégiens et des lycéens pour les prévenir des méfaits de la drogue, Marie-Christine D’Welles2 s’inquiète de la banalisation de la consommation d’ecstasy auprès des plus jeunes.

« Il ne se passe pas une semaine sans que l’on me parle de personnes « scotchées dans les hôpitaux, dit-elle. On ne compte plus les enfants qui ont perdu leurs facultés mentales après avoir pris de l’ecstasy… Ce sont des jeunes de 13 à 20 ans, dont le cerveau fonctionne com- me s’ils avaient 4 ans ! »

Tremblements et convulsions…

Si la consommation d’ecstasy pure (MDMA) peut avoir des conséquences irréversibles sur la santé, les produits « impurs », c’est-à-dire coupés, ne sont pas en reste.. .Dans les raves et certaines boîtes de nuit, il y a des substances vendues sous le nom d’ecstasy alors qu’elles contiennent peu ou pas de MDMA : On trouve tout et n’importe quoi.

Dans certaines raves, près de 70 % des produits en circulation ne contiendraient pas de MDMA.

Ainsi, outre du 2-CB (hallucinogène très puissant), du PCP (anesthésique délirogène), mais aussi de la caféine ou des somnifères, les analystes découvrent de plus en plus souvent du GHB : une substance synthétisée au début des années soixante, qui n’est autre qu’un fort anesthésiant à usage thérapeutique. Utilisée comme drogue, cette substance annule chez son consommateur toutes ses facultés d’autodéfense et le rend amnésique.

Baptisé « la drogue des violeurs » aux États-Unis, ce produit est administré aux jeunes filles à leur insu, soit sous forme liquide (dans les boissons), soit sous forme d’ecstasy… La personne qui absorbe ce produit a l’impression d’être dans un rêve avant de tout oublier par la suite. C’est la raison pour laquelle les responsables de certaines discothèques américaines n’hésitent plus à placarder des affichettes d’information sur les effets du GHB… D’autant que dans un usage toxicomanogène, cette substance peut entraîner dépressions respiratoires, tremblements, convulsions. Ou plonger son consommateur dans le coma.

Mélangé avec des excitants, le GHB peut aussi engendrer un comportement violent chez certaines personnes, lesquelles n’ont ensuite plus aucun souvenir de leurs faits.

Autre produit découvert dans les pilules d’ecstasy : la kétamine. Utilisée comme anesthésiant par les vétérinaires et les médecins hospitaliers, elle provoque des effets hallucinogènes et une perte de la coordination motrice chez les usagers.

« Dès que j’ai sniffé de la kétamine, dans ma tête c’était l’explosion. Je n’ai jamais senti une chose pareille. C’était d’une violence inouïe. Mon cerveau ne répondait plus. Je me disais « où je suis« , pas de réponse ( … ) Mon cerveau était bloqué, et quand j’ai un peu réalisé, je suis parti en courant de cet endroit », témoigne un habitué des raves.

Fascinés par l’au-delà

Toujours est-il que, outre l’ecstasy et ses trois cents dérivés connus à ce jour, de nombreux produits de synthèse (sous forme de comprimés, de poudre ou de gélules) sont également accessibles sur le marché des stupéfiants !

La toxicomanie a changé. Avec la multiplication des produits dont on peut trouver les recettes » sur Internet, nous sommes entrés dans une période de consommation de substances de synthèse à la carte : de la même manière que celui qui souhaite faire pousser ses plants de cannabis chez lui en se procurant des sachets de graine de cannabis.

Celui qui voudra être performant le matin prendra tel produit puis passera à tel autre plus récréatif pour faciliter sa communication en soirée ou pour ressentir telle sensation. » Une dérive à laquelle la société semble déjà habituée via les béquilles chimiques (tranquillisants, somnifères, produits vitaminés…), mais qui risque d’avoir une portée encore plus dramatique en terme de dépendance.

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