Où en est notre système de santé ?

Alors qu’au sortir de la dernière guerre mondiale, le peuple français s’est battu pour améliorer sa qualité de vie, notamment en mettant en place un système de santé unique au monde, dans lequel la collectivité pourrait prendre en charge une partie des remboursements de frais de santé, les décennies qui ont suivi ont vu l’amoindrissement de ces prises en charge par les institutions. Dans le même temps, les systèmes de remboursements individuels n’ont cessé de gagner du terrain, au bonheur des plus aisés, et au détriment des plus pauvres. Plus le temps passe, plus le néolibéralisme économique gagne du terrain et plus la santé en fait les frais, jusqu’à un système désormais à plusieurs vitesses.

Ambroise Croizat et la sécurité sociale.

Mai 1945. La guerre est finie, mais une nouvelle bataille commence. Il s’agit maintenant d’une lutte de pouvoir entre les différents vainqueurs du conflit mondial. Les Américains et leurs partenaires tenant d’un libéralisme économique ne jurent que par le libre échange et la solution individuelle. Mais voilà, en France, les communistes sont bien plus nombreux, et les libéraux sont dans l’incapacité d’imposer leur vision économique du monde. La bataille est certes rude, mais Ambroise Croizat parvient à réaliser ce que personne n’avait encore réussi à faire ; créer un régime général d’assurance maladie, permettant à tous ceux et toutes celles non dépendantes d’un système de santé spécifique d’être malgré tout assurés.

Pour cela, il se saisira des recommandations du CNR (Conseil National de la Résistance). Et en 1946, la sécurité sociale naît en France. Grâce à ce nouveau système social, la France évite sans doute de gros problèmes sanitaires. Les français vivent mieux, et l’espérance de vie ne cesse de croître. L’économie du pays ne s’en porte que mieux. Mais en économie, et dans le jeu politique, rien n’est jamais acquis. La bataille est à mener chaque jour. Car l’adversaire ne lâche jamais. Il s’appelle Capital et il en veut toujours plus. De fait, dès les années 60, les soins dentaires et optiques sont moins bien remboursés. Pis, la baisse de prise en charge est drastique, et naissent alors les complémentaires individuelles santé. Ce n’est que le début du délitement de la sécurité sociale.

L’arrivée du capitalisme des Trente Glorieuses.

A mesure que les déremboursements s’intensifient, les compagnies et mutuelles d’assurances grossissent. Il est impossible de ne pas y voir de relation de cause à effets. Habitués à une couverture maladie optimale, les Français se dirigent naturellement vers les complémentaires santé afin de préserver leur sécurité sanitaire. Jusqu’au moment où les tarifs des complémentaires santé explosent, où les prestations et médicaments remboursés sont de moins en moins nombreux, où la précarité ambiante et galopante ne permet plus la couverture.

De plus en plus nombreux sont les assurés sociaux qui ne peuvent plus se permettre un rendez-vous chez le dentiste ou l’ophtalmologiste. Ceci aura peut-être un impact positif sur les prix des prestations de ces spécialistes, qui peuvent choisir de pratiquer le dépassement d’honoraires. On voit déjà le prix des lunettes baisser. Enfin, pas chez tout le monde. Seulement chez ceux qui ont compris qu’il vaut toujours mieux percevoir un petit pourcentage d’un grand nombre qu’un gros pourcentage d’un nombre qui ne cesse de réduire. A la finalité, l’effort néolibéral est totalement contre-productif pour l’économie globale. A force de tirer vers le bas, tout le monde s’enfonce…

Pourtant, il semble que l’on n’ait jamais diagnostiqué autant de maladies. Il faut dire qu’aujourd’hui, de plus en plus d’infections bénignes sont prétexte à médication. De l’obésité aux dépistages divers et variés, de la vaccination automatique aux traitements préventifs, en passant par l’orthorexie, tout est prétexte à ingestion de médicaments. Vous ne mangez pas sainement, vous êtes un malade en sursis … Ainsi pourrait-on résumer les recommandations médicales selon les différents organismes et institutions.

L’impact de l’industrie agroalimentaire

Et il y a pire. Bien pire. Si l’on considère qu’une bonne alimentation est la base d’une bonne santé, alors nos générations et les suivantes ne vivront certainement pas aussi vieilles que celle de nos parents. Ou alors si. Mais bourrées d’antibiotiques et autres joyeusetés médicales. Et il est d’ailleurs intéressant d’observer la relation étroite existant entre l’industrie agroalimentaire d’un côté et les laboratoires pharmaceutiques de l’autre. L’impression que l’une sert l’autre et inversement n’a sans doute jamais été aussi forte et prégnante que maintenant. Au final, plus il y a de cancers, et plus Big Pharma voit ses bénéfices augmenter, exponentiellement.

Et notre société consumériste et « moderne » se contente toujours d’essayer d’endiguer les conséquences des maladies découvertes, plutôt que de s’atteler à en éliminer les causes. Il suffirait d’un peu moins de radioactivité, d’un peu moins d’antibiotiques dans la nourriture, d’un peu moins de pesticides, d’un peu moins de tout ce que la chimie a créé de moderne en fait, pour que de nombreuses maladies soient purement éradiquées. Mais le business est trop juteux pour que cela s’arrête. Il n’y a qu’à voir comment une firme comme Monsanto exerce son pouvoir de lobbying pour maintenir sur le marché un glyphosate pourtant reconnu très néfaste pour le vivant par de nombreux cabinets d’études et de recherche.

L’exemple flagrant des Monsanto papers.

Les Monsanto papers ne sont que la partie émergée de l’iceberg du pouvoir de l’argent sur la santé. N’oublions pas qu’un patient guéri ne rapporte rien. Pour un pharmacien ou un chimiste, il est bien plus intéressant que tout le monde reste malade. Pour information, dans le cadre d’une procédure visant Monsanto, la justice Américaine a du déclassifier de nombreux documents internes du géant chimiste et semencier. Et la révélation fait couler beaucoup d‘encre. Il s’avère en effet que le créateur de l’agent orange (entre autres…) savait dès 1999 que son glyphosate était potentiellement dangereux. Pour reprendre les termes exacts, la firme avait connaissance du potentiel cancérogène et mutagène du glyphosate dès 1999.

Et pourtant, le géant Américain, aujourd’hui racheté par Bayer, un autre géant dans le même genre, mais Allemand, n’a eu de cesse de démontrer, par tous les moyens, et même les plus controversés, que son produit ne faisait courir aucun danger aux humains qui en ingéraient. Car, dans un monde néolibéral, plus que la protection de l’humain, c’est la protection de l’investissement qui compte avant tout. Monabanq, banque en ligne Française, use d’un argument de vente en guise slogan : « les gens avant l’argent. Il semble que les géants des industries agroalimentaires et pharmaceutiques aient justement opté pour le contraire. Et ils ne sont malheureusement pas les seuls.

Dans ce monde où l’argent régit de nombreuses choses, il est également intéressant d’observer les liens entre l’industrie pharmaceutique d’un côté et les assureurs de l’autre. De nombreux médecins fustigent les gammes d’antibiotiques, dont la plupart sont devenus inutiles, voire contre indiqués. La liste des effets secondaires et indésirables est bien plus longe que celle des maladies réellement soignées. Et plus le traitement semble efficace, plus il est cher. Une aubaine pour les assureurs, qui se frottent les mains en voyant le montant des cotisations grimper d’année en année.

Le recul inexorable de la Sécurité Sociale

Pire encore, on constate des taux de marge incroyables sur certains médicaments, dès lors qu’ils sont remboursés par l’assurance maladie. Le phénomène se voit et la réaction des assurés ne se fait pas attendre. Les médecines dites alternatives ou douces reprennent du poil de la bête. Puisque la médecine conventionnelle se révèle inefficace dans de très nombreux cas et devient inaccessible financièrement, alors pourquoi ne pas revenir aux vieilles méthodes ? Au pire, si jamais cela ne fonctionnait pas, cela n’empirerait pas non plus, les effets indésirables étant minimes, voire inexistants. Certes, c’est un raisonnement par l’absurde, mais perdu pour perdu…

On pourrait encore parler de nombreuses choses et de l’avènement des nouvelles technologies. Qu’il s’agisse de génie génétique ou de nanotechnologies, les recherches avancent et créent autant d’espoirs que de nouvelles déconvenues. L’homme dispose de ce don, de trouver des solutions à des problèmes inexistants qu’il a lui-même créé. Tout nous empoisonne, mais tout peut potentiellement nous guérir de ces poisons. Reste à savoir qui aura les moyens, qui disposera de la valeur financière suffisante pour s’offrir l’antidote. S’il est une certitude, c’est bien la suivante, pour pourvoir à ses frais de santé, il faudra bien gagner sa vie, parce que le système collectiviste tel qu’il existe est un frein au néolibéralisme.

Le monde financier est un ogre qui veut tout dévorer et imposer sa logique unique et hégémonique sur le monde, sans même se rendre compte qu’il court lui-même à sa propre perte. Que ce monde meure, c’est son problème après tout, mais notre problème, c’est qu’il nous entraîne par le fond avec lui. La question dès lors est de savoir quand nous réagirons. Et comment nous le ferons. Peut-être que l’une des voies possibles est tout simplement de redevenir maîtres de nos vies, à tous les niveaux. Changer nos modes de consommation, éteindre nos téléviseurs, commencer à reprendre la main sur la gestion de notre argent et ne plus laisser ce privilège uniquement à nos banquiers, planter des graines, bannir la chimie dans notre alimentation… Ce ne sont pas les idées qui manquent. Ne reste plus qu’à les mettre en œuvre.

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