Il se drogue, que faire ?

Crédit photo montage mcgill.ca

Quelles sont les attitudes à adopter? Celles à fuir ? Que faut-il dire ou ne pas dire ? Ces questions et beaucoup d’autres encore trouvent leurs réponses dans cet article de question/réponses à un addictologue qui a préféré garder l’anonymat.

Tous les anciens toxicomanes que vous avez rencontrés ont eu une attitude commune dans leur décision d’arrêter.

Addictologue : Nous pensions que les anciens toxicomanes pouvaient nous faire profiter de leur expérience : Nous apprendre comment ils avaient réussi à se reconstruire, nous faire connaître leur parcours.

Nous nous sommes aperçues que l’on retrouvait, chez tous ceux qui s’en sortent vraiment – qui ne compensent ni par l’alcool ni par les anxiolytiques… -, une attitude intérieure commune.

En fait, ils ont tous eu une forme de déclic : A un moment donné, le produit qu’ils prenaient n’a plus répondu à leur demande. Bref, 1 seuil de souffrance a dépassé le seuil du plaisir. Il n’y a plus eu de compensation.

Comment se produit ce déclic?

C’est ici que les parents ou les proches peuvent jouer un rôle déterminant. S’ils parviennent à entamer un vrai dialogue ils en lèvent le sentiment de culpabilité, Ils peuvent lui dire, par exemple : “C’est toi seul qui détiens les clefs mais tu as besoin d’aide. Et nous sommes là pour t’aider”.

Aux Etats-Unis – en France cela n’existe qu’à l’état embryonnaire -, on tente de provoquer ce déclic, ce taux de souffrance.

Dans des centres spécialisés, les toxicomanes se retrouvent confrontés à leur entourage proche : famille, employeur, collègues de travail, amis… Ces “réunions” servent à casser le mur du “déni”.

Vous mettez en exergue la nécessité d’accepter la réalité, de briser le mur du “déni”…

“J’arrêterai demain’ “Je stoppe quand je veux’ “Je n’en ai pas pris depuis quatre mois”… C’est un discours que l’on entend assez souvent dans la bouche du toxicomane.

Aux Etats-Unis, un employeur pourra dire : “Je sais très bien que lorsque vous vous rendez aux toilettes, vous consommez de la cocaïne. D’ailleurs, vos résultats professionnels sont nuls.”

Cela peut paraître brutal, mais le toxicomane se rend alors compte que personne n’est dupe.

Que peut-on dire aux personnes vivant avec un toxicomane?

Si l’on tient un discours du type : “Cela va aller, mon chéri, tu vas t’en sortir”, on renforce, sans le vouloir, cet aspect du “déni” de la maladie.

Les proches d’un toxicomane doivent l’aider à parler, l’écouter, pour qu’il puisse peu à peu retrouver un sens à sa vie.

L’un des premiers rôles de l’entourage est, au contraire, d’ouvrir les yeux de la personne qui se drogue. Il ne faut avoir aucune complaisance. Plus les parents ou les personnes proches disent nettement les choses – “J’ai trouvé cette seringue dans les toilettes”… – plus le dialogue sera clair, il s’établira sur un constat.

Quel comportement peut-on adopter avec quelqu’un qui se drogue?

Il faut d’abord profondément croire en lui, lui faire confiance. Sans toutefois être aveugle. Dans la vie, tout se répare, les choses comme le corps. Il faut faire admettre aux parents ou aux proches que c’est en disant “non” qu’ils vont aider le processus de guérison.

En restant fermes, ils vont, d’une part, éviter de se “détruire”, et d’autre pan, montrer l’exemple de la fermeté. Plus ils ont une attitude autonome, plus ils enseignent l’autonomie.

Les parents ne doivent pas soutenir la maladie mais Ie rétablissement de leur enfant. Rien ne sert, par exemple, de se plaindre : “pauvres de nous”, “on ne va pas s’en sortir”, “ce que tu fais est très grave”…

Et cesser tous les actes qui l’empêchent de retrouver son autonomie comme payer le loyer, donner de l’argent de poche…

Il faut sortir le toxicomane de son confort, le mettre en face de ses réalités. L’aider à parler, l’écouter pour qu’il puisse s’ancrer dans la réalité, trouver un sens à sa vie. Bien sûr, ce n’est pas facile et c’est pour cela que les parents et les proches ont besoin d’aide.

L’appui d’une tierce personne est donc si important?

C’est capital. Les parents ne doivent surtout pas croire que tout va se régler avec les années. Il faut qu’ils aient recours à des professionnels (médecin de famille, thérapeute…) ou à un ami, un professeur, un groupe d’entraide… Plus vite on cherchera l’aide d’un tiers, plus vite on enclenchera le processus thérapeutique.

Il ne faut pas oublier que se jouent là des choses de l’ordre de la vie et de la mort.

La présence d’une personne extérieure se révèle donc indispensable. C’est une véritable maladie du “lien”, Il faut renvoyer les parents à leur propre dépendance, voir si, dans leur propre histoire, il n’y a pas de tendance systématique à fuir les émotions ou la douleur (abus de médicaments, alcoolisme et tabac…).

Quelqu’un touché par la drogue a-t-il intérêt à rencontrer un ancien toxicomane qui s’en est sorti?

Dans tous les cas, quand on parle de désir de s’en sortir, l’avantage des anciens toxicomanes, c’est qu’ils incarnent ce qu’il y a après la drogue.

Nous pouvons toujours dire : “Arrête !“ Mais après ? Qu’est-ce qu’il y aura “après” ?

L’ancien toxicomane, lui, comprend ce que dit la personne quand elle est en manque. Il peut répondre : “Ne t’inquiète pas, c’est un passage. Aujourd’hui, je suis en bonne santé, je travaille de nouveau, je vis bien.” A cet instant, le désir d’arrêter peut se réveiller. L’ancien a expérimenté, lui, la souffrance. “C’est une étape difficile à passer mais je I ai fait.

Un ancien toxicomane est-il définitivement à l’abri d’une récidive ?

S’il est devenu conscient de son rapport à certains produits, notamment ceux qui permettent de fuir les émotions (alcool, anxiolytiques…), s’il a reconnu sa défaite face à eux, il peut affronter l’abstinence. Quand le travail du lien avec un autre a été fait, le risque de récidive se réduit, voire disparaît.

A ce propos, nous avons eu écho d’une histoire émouvante qui illustre parfaitement l’importance du lien. Un ancien toxicomane, qui avait été suivi pendant quelques années par un médecin, avait retrouvé un emploi et fondé une famille.

Il appela une nuit un thérapeute pour lui dire que sa femme et ses enfants s’étaient tués dans un accident de voiture. Et il ajouta “mais je ne replongerai pas”. Dans ce moment dramatique, il avait compris qu’il devait se servir du lien établi avec son médecin.

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