Assurance vie senior : Les limites posées à la libre transmission

Assurance vie et transmission : Lorsque les juges s’en mêlent

Le code des assurances précise qu’un contrat d’assurance vie échappe à la succession à la condition que les primes versées ne soient pas « manifestement exagérées ». À cela s’ajoutent les limitations que les tribunaux et l’administration fiscale ont mises en place.

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Une bombe à retardement a finalement été désamorcée! La polémique sur l’arrêt Praslicka qui opposait, d’un côté, les assureurs et, de l’autre, certains notaires et les agents du fisc vient de prendre fin: Bercy a pris position dans une lettre adressée à Denis Kessler, le président de la FFSA (la Fédération française des sociétés d’assurance).

Dorénavant, si un mariage se dénoue par le décès d’un des deux conjoints, la jurisprudence Praslicka ne s’applique pas. Pour bien comprendre ce qui a motivé cette décision de Bercy, il faut prendre la mesure du contentieux qui opposait les fonctionnaires des impôts et les assurés.

Jusqu’en 1992, tout était simple. Les juges considéraient un contrat d’assurance vie, souscrit par un des époux, comme un bien propre. Il n’entrait donc pas dans la communauté et ne faisait pas l’objet d’un partage à la dissolution du mariage, que celle-ci provienne d’un divorce ou du décès d’un des deux époux.

Mari ou femme pouvait souscrire un contrat avec des deniers communs et épargner ainsi pour son propre compte. Une situation que beaucoup trouvaient injuste quand les époux étaient unis sans contrat de mariage, c’est-à-dire sous le régime de la communauté réduite aux acquêts.

Car dans une telle union, les salaires et revenus des époux sont la propriété du couple et non d’un seul d’entre eux.

En mars 1992, la Cour de cassation change son fusil d’épaule. Elle décide que puisque les primes versées dans un contrat proviennent de la communauté, l’enrichissement procuré par ce placement doit être divisé en deux à l’occasion d’un divorce.

Elle donne raison à l’épouse qui réclamait la moitié de la valeur de rachat du contrat. Si les conséquences de cet arrêt en matière de divorce n’ont pas créé de difficultés d’interprétation, il n’en était pas de même quand le mariage était rompu du fait du décès du bénéficiaire.

Quand ce dernier décédait avant le souscripteur, le fisc considérait que le montant du contrat devait être intégré à la succession et faire l’objet d’une taxation comme n’importe quelle valeur d’actif (bien immobilier ou valeurs mobilières).

Les notaires invitaient donc leurs clients à révéler la souscription des contrats pour satisfaire à cette exigence fiscale. De leur côté, les assureurs faisaient de la résistance en affirmant que cette position s’appuyait sur une interprétation erronée de la jurisprudence Praslicka.

Pour eux, ce partage ne devait se faire que si le mariage se dénouait par un divorce et non par un décès. Les agents du fisc n’hésitaient pas à redresser du montant des droits de succession ceux qui s’obstinaient à ne pas vouloir révéler les contrats souscrits à l’ouverture de la succession du défunt.

Coincés entre les conseils de leur assureur et ceux de leurs notaires faisant valoir un risque fiscal en cas de non-déclaration, les assurés se trouvaient démunis. Les plus opiniâtres, soutenus par leurs compagnies, n’ont pas hésité à saisir les tribunaux pour tenter d’obtenir gain de cause.

EN 1999, dans une lettre adressée à la FFSA, le ministre de l’Économie et des Finances et le secrétaire d’État au Budget clarifiaient la situation.

Ils écrivaient « qu’après un examen particulièrement attentif de cette question, nous avons décidé d’instaurer la neutralité fiscale entre les contrats d’assurance vie souscrits à l’aide de deniers communs par l’un quelconque des époux au profit de son conjoint, indépendamment de leur date de dénouement et de l’ordre des décès entre les époux

«. En d’autres termes, Bercy renonce à appliquer la jurisprudence Praslicka au décès. Et la lettre indique que « les rappels d’impôts effectués sur ce fondement seront abandonnés».

Les assureurs ont donc triomphé. Mais tout n’est pas réglé pour autant. Certes, même s’il s’agit d’une simple lettre, celle-ci reste opposable aux agents des impôts.

Un percepteur récalcitrant ne peut l’ignorer. Toutefois, deux questions demeurent pour l’instant sans réponse.

Les assurés impressionnés par les demandes du fisc ont pu intégrer les contrats litigieux dans la déclaration de succession. Il n’est pas sûr qu’ils soient remboursés : la lettre parle de contentieux en cours et non de ceux qui se sont soldés par la soumission du contribuable.

Enfin, la question est réglée du point de vue fiscal et du point de vue civil. Des héritiers pourraient très bien s’en prendre à leur notaire en arguant qu’ils sont lésés dans leurs droits héréditaires. Ce serait alors au juge de trancher. Le dossier Praslicka n’est donc pas définitivement clos.

À savoir

Problème posé : Le sort du contrat du conjoint survivant, contrat souscrit avec des fonds communs pour un couple marié sous le régime légal.

L’administration a précisé dans la réponse ministérielle Bataille (parue au JO 0310712000) qu’il appartient aux héritiers de se positionner sur le sort du contrat du conjoint survivant : soit les héritiers considèrent qu’il s’agit d’un bien propre, et les droits du conjoint sont accrus.

Soit les héritiers considèrent qu’il s’agit d’un bien commun, à intégrer dans l’actif de succession et qui sera fiscalisé comme tel.

Sources citées : 

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